France - CNDA, 29 avril 2011, Mlle E., n°10012810

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
29-04-2011
Citation:
Cour nationale du droit d’asile, 29 avril 2011, Mlle E., n°10012810
Court Name:
Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
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Résumé succinct: 

Les prostituées qui sont originaires de l’Etat d’Edo et qui sont à la fois victimes du trafic d’êtres humains et désireuses de s’en extraire de manière active constituent un groupe dont les membres sont, en raison de ces deux caractéristiques communes qui les définissent, susceptibles d’être exposées à des persécutions au sens de l’article 1A2 de la Convention de 1951, sans pouvoir se réclamer de la protection des autorités du Nigeria. Elles appartiennent à un certain groupe social.

Faits: 

Mlle E. est originaire de Bénin City, dans l’Etat d’Edo, au Nigeria. Elle a été approchée, au Nigeria, par un réseau de traite d’êtres humains qui lui a proposé un emploi en Europe. Arrivée en France, elle a été forcée de se prostituer. Elle a dénoncé à la police les responsables du réseau mais n’a pu fournir que des prénoms. Sa demande d’asile ayant été rejetée par l’Ofpra, elle demande à la CNDA de lui reconnaitre le statut de réfugié.

Décision & Raisonnement: 

S’appuyant sur de nombreuses informations sur le pays d’origine, la CNDA énonce que beaucoup de jeunes femmes qui sont recrutées dans l’Etat d’Edo et qui sont exploitées, sous la contrainte, par des réseaux pratiquant la traite d’êtres humains subissent une forme de violence liée à leur appartenance sexuelle qui doit être regardée comme constitutive d’une persécution. Elles sont exposées, en cas de retour dans leur pays, à de graves représailles de la part des trafiquants, ainsi qu’à des risques réels d’être à nouveau victimes de la traite des êtres humains ou de faire l’objet d’un ostracisme familial ou communautaire voire d’une grave discrimination.

Citant les lois de l’Etat d’Edo relatives à la prostitution et au proxénétisme et mentionnant l’absence de poursuites pénales effectives, la CNDA considère que le caractère systématique du défaut de protection dans cet Etat ne doit pas seulement être regardé comme un risque de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article L.712-1 du Ceseda.

La CNDA estime que les prostituées qui sont originaires de l’Etat d’Edo et qui sont à la fois victimes du trafic d’êtres humains et désireuses de s’en extraire de manière active constituent un groupe dont les membres sont, en raison de ces deux caractéristiques communes qui les définissent, susceptibles d’être exposées à des persécutions au sens de l’article 1A2 de la Convention de 1951, sans pouvoir se réclamer de la protection des autorités du Nigeria, et nonobstant le fait que cet Etat ait ratifié en 2001 le Protocole de Palerme puis promulgué, en 2003, une législation contre le trafic des êtres humains.

La CNDA conclut que Mlle E., qui établit être originaire de l’Etat nigérian d’Edo et avoir voulu rompre avec le réseau de trafic d’êtres humains susmentionné, doit être regardée comme appartenant à un certain groupe social au sens de l’article 1A2 de la Convention de 1951 et craindre avec raison d’être persécutée en cas de retour dans son pays d’origine. Elle est donc fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée.
 

Résultat: 

La qualité de réfugiée est reconnue à la requérante.

Subsequent Proceedings : 

Cette decision a ete annulee par la decision du Conseil d'Etat, Section du contentieux, du 25 juillet 2013 (CE, Section du Contentieux, 25/07/2013, n°350661), voir /node/4557

Observations/Comments: 

Cette décision de la CNDA montre un important effort de motivation et s’appuie  - ce qui reste encore relativement rare dans la pratique de la Cour  - sur de nombreuses informations sur les pays d’origine. On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence  d’examiner tout d’abord le risque de traitement inhumain et dégradant au sens de la protection subsidiaire avant d’analyser le cas au regard de l’appartenance à un certain groupe social au sens de la Convention de 1951.

Voir CNDA, 29 juillet 2011, Mlle O., n°10020534

Other sources cited: 

Rapport mondial sur la traite des personnes, ONUDC, 2009

Article « Sexual harassment : The Experience of Out-of-School Teenagers in Benin City, Nigeria », African Journal of Reproductive Health, vol. 9, 3 December 2005

Chapitre 21 du code criminel de 1990

Lois de l’Etat d’Edo

Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, dit « Protocole de Palerme »